Quelque part dans les étendues gelés d’Albaphykka, gisait Faust, inconscient dans la neige. Son corps presque nu était secoué par de nombreux spasmes, sans doute à cause du froid ou peut-être d’un cauchemar. Il alla même jusqu’à pousser de petits gémissements de douleur et de plaisir. Ça devait vraiment être un cauchemar désagréable si vous voyez ce que je veux dire. Quoiqu’il en soit, toute cette agitation fini par le sortir de son sommeil. Ses yeux s’écarquillèrent et il se redressa subitement. Sans rien dire, il se mit à regarder tout autour de lui, un peu comme s’il cherchait quelque chose ou quelqu’un, mais il n’y avait rien mis à part de la neige. Il poussa un long soupir de soulagement, et secoua la tête de droite à gauche pour en chasser les mauvaises pensées.
Un frisson le parcouru, et il se rendit compte qu’il était presque nu. Il n’avait qu’un manteau sur le dos et un short en dessous. Il se demandait où était passé le reste de ses fringues. C’est aussi à cet instant qu’il réalisa qu’il ne savait pas non plus où il était et comment il était arrivé là. Hélas, malgré ses efforts Faust fut incapable de se remémorer le moindre souvenir de la nuit précédente. Perplexe, il en oublia tout le reste jusqu’à ce qu’un nouveau frisson le fasse frémir, et lui rappelle qu’il n’était pas dans l’endroit le plus adéquat pour penser à ce genre de chose. Faust aurait tout le loisir d’essayer de se rappeler les événements de la veille une fois à l’abri et au chaud si possible.

Sans attendre un instant de plus, il se leva, ferma correctement son long manteau et scruta l’horizon à la recherche d’un coin ou s’abritait. Son regard se posa sur un halo de lumière au loin. Il s’agissait peut-être d’un campement ou d’une maison isolé dans cette partie du monde. Enfin, quoiqu’il puisse s’agir, c’était sans doute mieux que de rester croupir sur place. Sans se poser davantage de question, Faust se mit en route vers le halo de lumière.

Cela faisait maintenant une demi-heure que l’Asvars était arrivé l’origine du halo lumineux, et n’osait pas approcher. Caché derrière un monticule de neige, il observait une petite maison de laquelle s’échappait une chaleur qu’il n’avait encore jamais connu. Il n’avait pas quitté le camp d’esclavage depuis bien longtemps, et il s’agissait de son premier contact avec le monde extérieur. C’était à la fois excitant et effrayant. Le brouhaha des personnes à l’intérieur lui arrivait aux oreilles. L’écho de leurs rires, leurs cris, leurs pleurs et bien d’autres choses le faisait rêver d’un endroit qu’il n’aurait jamais cru exister. Il voulait rentrer et se laisser enivrer par cette chaleur, mais sa raison le rappelait à l’ordre. Tout ça lui était inconnu, ça pouvait être dangereux, ou interdit à une personne comme lui qui n’a jamais goûté au bonheur, il n’en savait rien ! Prudence est mère de sureté après tout…mais la tentation était trop forte. Faust s’approcha lentement d’une fenêtre pour y regarder à l’intérieur. Avec la buée il ne voyait pas grand-chose, tout juste des hommes et des femmes assis à des tables, en train de manger, boire et parler. A priori aucun d’entre eux n’était enchainé. La nourriture ne se limitait pas à un ragout à l’aspect infect. Et aucun garde ne se tenait dans les coins, prêt à fouetter la moindre personne qui prononcerait un mot. Faust n’en revenait pas ! C’était si…étrange.

Au même moment, un homme à la chevelure rouge écarlate et aux yeux noisette, s’apprêtait à entrer dans l’établissement. C’était maintenant ou jamais ! Cédant un peu plus à la tentation, Faust se précipita derrière lui en toute discrétion, et pénétra dans la taverne en se cachant derrière cet inconnu. A l’instant où il traversa la porte, il fut frappé de plein fouet par la chaleur et le vacarme qui le firent titubés. Il ne tomba pas, mais il ne marchait plus exactement très droit. Beaucoup plus occupé à jeter des coups d’œil à droite et à gauche plutôt que de faire attention, l’Asvars cornu finit par tomber sur le type devant lu, qui s’était arrêté pour prendre sa commande. Il s’étala de tout son long dessus, le faisant tomber lui aussi au passage. Bien sûr, sa connerie ne passait pas inaperçu, et déjà tout le monde se foutaient de leurs gueules. Ca commençait bien...
Faust se releva dès qu’il le pu, et se mit à fixer l’homme dans lequel il était rentré d’un air à la fois sérieux et inexpressif. Il s’agissait toujours de celui aux cheveux rouges qu’il avait suivi depuis l’entrée.

« Je…Je suis désolé, j’aurais dû faire plus attention. Je ne broncherais pas, punissez moi autant que vous le jugez nécessaire pour réparer ma faute. »

S’exécutant, il retira son manteau et le posa à terre. A cet instant plus personne ne rit, ni ne dit un mot dans la salle. Tous restèrent silencieux et stupéfiés devant le corps scarifié du gamin Asvars. Tout son buste, y compris ses bras et son dos étaient recouvert de cicatrice, au point qu’au aurait presque cru qu’il avait été écorché tellement le tissu cicatriciel était importants à ses endroits. D’ailleurs il y était dur de trouver un coin qui n’était pas abimé dessus.
Faust n’avait pas compris pour quelle raison le brouhaha avait cessé, et il ne chercha pas à comprendre car il attendait de recevoir son châtiment pour sa faute. Son regard était devenu froid et vide.

« J’attends mon châtiment. »

Il avait prononcé cette phrase d’une voix sèche et aussi froide que son regard. Il n’était plus qu’une coquille vide prête à servir de punching ball pour expier sa faute.

L'aubergiste me donna les clefs de ma chambre pour la nuit et commençait à sortir un verre et sa bouteille de Whisky, mais elle fut arrêtée par un bruit sur le sol. Un gamin venait de chuter, m'entrainant dans sa chute. Les hommes et femmes dans la salles se mirent à sa moquer. J'en regardais certains avec un air de tueur pour les faire taire. Je me relevais, l'aidant à se redresser, après tout ce n'était pas bien grave, personne ne s'était blessé. Mais le silence fut imposé par cet enfant qui venait de trébucher.

« Je…Je suis désolé, j’aurais dû faire plus attention. Je ne broncherais pas, punissez moi autant que vous le jugez nécessaire pour réparer ma faute. »

Il retira son long manteau, laissant à découvert un corps nu, vêtu seulement d'un simple short. Je fut incroyablement surpris de voir son corps mutilé à son age. Il devait avoir 15 ans, peut-être 16, et je fut pris une grande rage de savoir que l'on pouvait blesser un enfant si jeune. Mais ce qui m'a le plus surpris, je crois que c'était ses paroles. Il désirait être puni, demandant un châtiment. Je ne savait pas quoi lui répondre, ne sachant pas s'il blaguait ou s'il était sérieux.

« Allez, c'est pas grave vas, ça arrive à tout le monde de trébucher. Tu as l'air un peu perdu, viens, je t'offre le diner ! »

Je passais ma mains dans ses cheveux pour les ébouriffés, mais je fut surpris de sentir deux bosses sur sa tête. Ce garçon était un Asvars, tout comme moi. Je m'approchais de l'aubergiste pour lui passer la commande du repas, un "Freez's Ragout", apparemment la spécialité du coin. La taverne repris vie et les conversations reprenaient leur cours dans un boucan infernal.

Faust était abasourdi. Cet homme à qui il venait de causer du tort n’avait pas l’intention de le punir pour expier sa faute, au contraire il l’invitait à manger dans cette auberge ! Il était fou ?! Quelle genre de type invite à diner le premier clampin qui le bouscule et fait de lui l’arisée d’une foule ? Qui donc ?! C’est ce que Faust pensait. Aussi, il ne comprit pas trop pourquoi cet inconnu lui passa la main dans les cheveux pour le recoiffer. Peut-être trouvait-il l’Asvars cornu à son goût ? Mais oui ! C’est ça ! Aucun doute possible pour le gamin, s’il ne s’était pas fait punir et qu’il était la cible d’une attention aussi particulière qu’une invitation à diner c’était parce qu’il avait tapé dans l’œil de ce gars bizarre ! En temps normal, savoir ça aurait dû l’amener dans ce petit coin de son esprit ou il se déconnecte du monde extérieur et perd ce qui lui reste d’humanité pour devenir aussi insensible qu’un sociopathe, mais cette fois-ci ce ne fut pas le cas. L’idée de se faire offrir un repas surpassait toutes les autres choses qui auraient pu lui arriver ! L’odeur des plats des autres clients lui avaient déjà fait tourner la tête en entrant, à lui qui n’avait connu que la bouillie de racine et le pain rassis du camp d’esclavage.

« D’accord. J’accepte votre… invitation. » Lâcha-t-il d’une voix atone.

La foule dans la salle avait fini de jeter des regards horrifiés au corps du jeune Asvar, et avait repris ses occupations dans un vacarme encore plus fort que le précédent. Sans trop se soucier d’eux, Faust ramassa son blouson mais ne pris pas la peine de le remettre. Il faisait trop chaud pour le porter à l’intérieur, aussi décida-t-il de rester à moitié nu, juste avec son short qui cachait ses parties les plus intimes. Il jeta ensuite quelques regards à droite et à gauche, ne sachant pas quoi faire maintenant. Il ignorait la marche à suivre dans ce genre d’endroit, alors plutôt que de se faire encore une fois remarquer et de risquer de s’attirer les foudres de quelqu’un Faust préféra se fier à l’homme qui l’invitait à manger.

Doucement, il tira sur la manche de son bienfaiteur pour attirer son attention. Il hésita un instant, voyant que le tavernier le regardait bizarrement, puis décida de l’ignorer pour le moment.

« C’est la première fois que je viens dans ce… (il s’arrêta un instant, faisant mine de chercher l’expression adéquat), ce genre d’endroit. J’ignore la marche à suivre, aussi je me contenterais de suivre vos instructions. »

Sur ces derniers mots, il vint se plantait devant le type aux cheveux de feu, prêt à faire ce qu’il lui dirait de faire. Au faite, Faust ignorait son nom, et ce n’était pas la personne qu’il pourrait appeler maître…alors comment s’adresser à lui ?

« Si vous voulez bien vous donnez la peine de guider la brebis égaré que je suis…monsieur aux cheveux de sang. »