Kryos a une taille "normale". Effectivement, il mesure sensiblement plus d'1M80, ce qui l'amène à être en plein dans la moyenne. C'est vrai que quand on mesure 1M83, on est franchement pas petit, mais faut pas abuser non plus, ça fait pas de nous un géant. Il est assez fin, et n'est pas fait que de muscles, il faut le dire. Bien que sa musculature ne soit pas incroyablement imposante, il a tout de même la force nécessaire à cette époque pour survivre en tant qu'homme aux moyens très modestes. Il porte aux pieds des bottes marrons très simples, servant à marcher sur à peu près tout type de terrain sans qu'un tsunami n’inonde ses chaussettes ou qu'une roche un peu trop pointue lui transperce le pied de part en part. Son pantalon est plutôt ample, et souple. Il est fait dans un tissu assez commun, mais le bleu qu'il arbore l'est beaucoup moins. Il porte une ceinture très épaisse en cuir, sur laquelle il place plusieurs "compartiments", si on peut les appeler comme ça. Des sortes de petites sacoches dans lesquelles il range les différentes choses qu'il trouve et qu'il juge utiles, il s'agit en général de plantes, d'herbes... ce genre de choses. Il porte une veste blanc crème en lin avec des motifs dont le bleu rappelle celui de son pantalon. À son épaule pend la sacoche qui le suit presque partout et qui renferme toujours au moins une ou deux choses pouvant aider dans des situations un peu trop difficiles. Son cou arbore, la plupart du temps, une longue écharpe bleue qu'il aime laisser voltiger dans le vent. Nous y voici,nous y voilà, parlons de son visage. Son visage est fin, et son teint est à la fois pâle est lisse, d'un blanc assez singulier. Ses yeux sont bleus, et explosent au milieu d'un blanc trop "propre". Son regard perçant est la plupart du temps capable de frapper un esprit sans néanmoins le choquer. Ses cheveux sont noirs, de longueur moyenne, et encadrent son visage tout en cachant la majorité de son front. La combinaison de ces éléments donne à Kryos, c'est vrai, une certaine beauté... Mais elle reste une beauté glaciale.

T’imagines, genre un méga gros congélateur ? Le truc dans lequel t’es transporté directement à l’ère glacière ? Voilà à peu près à quoi ressemble Kryos. Il est froid, oh que oui, c’est le cas de le dire. Il est du genre distant, et plus glacial qu’il n’est humainement possible de l’être. C’est pas vraiment sa faute, faut le dire… Le pauvre bougre en a vues défiler, des choses. Bon, ok, c’est vrai, il pourrait être l’ambassadeur du Mr. Freeze, mais ça fait pas de lui un homme mauvais pour autant. Il a tendance à éviter le conflit, et si jamais il bousculait un type particulièrement hargneux dans la rue, il se contenterait d’un simple « excusez moi », et passerait son chemin. Lorsque des gens l’abordent, il réagit de façons très différentes selon son humeur mais aussi selon son interlocuteur. Son visage est, la plupart du temps, un masque vide d’émotions. Aucun des traits de son visage n’affiche aucune expression… C’est sûr, y’a des expressions, mais elle sont quand même plutôt rares. Il est assez complexe, et comme un très grand homme l’a dit, les personnes affichant le moins d’émotions sont sûrement celles qui en ressentent le plus. La plupart du temps, si on observe son visage dans une situation quelconque, on y verra une expression sombre et terne.

Mais cela n’est pas tout ! Puisqu’en effet, il y a toujours ces petites choses capables d’illuminer sa journée ! Peu importe le temps, l’heure, ou le lieu, il voue toujours une passion sans fins à l’alchimie sous tous ses angles. Il aime s’y donner cœur et âme, et s’y appliquer lui donne un infini sentiment de fierté et d’accomplissement. Il gagne sa vie en allant à gauche et à droite récolter ce qui semble être essentiel à la composition de mixtures qui ne le sont pas toujours, et les vend la plupart du temps à des gens ne sachant plus quoi faire de leur fortune. Inutile de dire que ces gens traitent Kryos comme le dernier des abrutis, et ne lui apportent pas la moindre considération.

Le jeune homme analyse beaucoup. Ce qu’il voit, ce qu’il entend, et tout ce qui va avec. Il imagine beaucoup et s’il ne parle pas, c’est qu’il est en train de penser… Il pense beaucoup.

Il observe beaucoup les gens, ce qu’ils disent, ce qu’ils font, leurs gestes les plus farfelus. Mais derrière tout ça, il garde son humanité, et ses principes. Et s’il est du genre à rester caché dans un coin sombre, il n’hésitera pas un quart de seconde à aider quelqu’un qui en a indubitablement besoin.

Voilà, à peu près, à quoi peut ressembler notre aventurier.

Kryos. Il est jeune, c’est vrai, il a pas encore fait grand-chose de ses dix doigts, il a pas encore vu le monde dans son entière totalité, il n'a pas sauvé le bon et loyal peuple plus de fois encore qu’il n’y a d’étoiles dans le ciel, et il n’a pas unifié tous les pays pendant sa pause déjeuner. Mais même s’il s’est abstenu de tant d’exploits… Il reste Kryos, et il est celui dont nous allons parler. Lui, son histoire, son parcours, sa vie.

Ça a commencé y’a un bout de temps. Dans l’histoire du monde, c’est pas énorme, évidemment. Dans une vie Asvar, c’est pas non plus si immense que ça… Mais là, on parle bel et bien d’une vie humaine. La vie d’un simple humain qui mène une vie d’humain. Enfin, c’est ce qui était prévu, à la base. Il aura bientôt 20 ans, le p’tit. Bientôt, c’est bientôt, c’est pas tout de suite non plus… et si on arrondissait aux dizaines, il aurait déjà 20 ans, d’ailleurs. Même si ça fait un bon bout d’une vie humaine, ça fait pas de lui un vieux au bord du tombeau, loin de là… il a toute la vie devant lui, ce p’tit. Mais plutôt que de déblatérer sur des questions à l’utilité plus que discutable, on devrait se pencher sur son cas. Non ?

Il est né. C’est déjà ça… Mais il est né dans le mauvais monde. Un monde qui ne permettait pas aux gens de vivre dans le bonheur et dans le contentement. Les simples humains tels que lui ne méritaient pas la Ô combien grande considération de ces tous puissants Asvars… À sa naissance, il était un joli petit bambin resplendissant dans la lumière salvatrice d’un clair de lune… Et les premières années de ce petit bout d’chou se passèrent dans un calme des plus sympathiques. C’est sûr que tout n’était pas toujours rose… mais même quand les nuages gris couvraient le ciel, il se cachait toujours derrière ces amas de condensation, semblant briller de son merveilleux bleu. Les parents, ils étaient aimants, y’a pas à douter. Les bisous, les papouilles et les petits surnoms, ça fusait. Kryos avait à peine 5 ans, sur la splendide Île Céleste, il vivait simplement, en compagnie d’autres « misérables » humains tels que lui. Les autres bambins étaient, comme lui, joyeux et vifs. Mais le monde va vite, et il n’attend pas les retardataires.

Même si du haut de son mètre, Kryos ne comprenait pas grand-chose au monde et n’en savait pas plus, le monde existait, et ses recoins sombres n’en restaient pas moins réels. Ainsi… Les Asvars étaient toujours là… Ils veillaient, d’un œil sombre. Par « Les Asvars », on veut bien entendu parler de la haute bourgeoisie. La royauté, ce genre de trucs. Et la seigneurie était bien présente, par ici. C’est sûr, c’était pas pareil partout, mais ici, ils avaient décidé que cette façon de faire était trop grave hype. Ils ne prenaient pas d’impôts directs comme la plupart des autres États. Le classique, c’était de taxer les ponts, les moulins, tout ça tout ça... Eux, ils épargnaient toutes bassesses, en échange d’un seul et unique impôt.

L’impôt sur la descendance, selon lequel tout fils d’humain devra passer au minimum 15 ans au service de la famille royale sans demande rémunération aucune. Pourquoi 15 ans ? Tout simplement parce qu’on les prenait dans leur bel âge. En général, quand ils avaient très justement 15 ans, assez grands pour effectuer des tâches un minimum complexes, mais ne l’étant pas trop non plus, et pouvant accomplir des travaux un minimum physique…. Et ce jusqu’à qu’ils aient 30 ans, après quoi ils vieilliraient et deviendraient des fardeaux inutiles. Les enfants ne le savaient pas. Pourtant, les parents ne le savaient que trop. Imaginez vous, juste une seconde, dans la tête d’un parent normal, aimant son chérubin plus que n’importe quel joyau inestimable ? Savoir qu’il devra, à contre cœur, passer les plus belles années de sa vie à servir des gens qui lui cracheront au visage à longueur de temps… Ça leur fait quel effet, selon vous ?

Kryos avait 13 ans. Il aimait beaucoup jouer avec les autres enfants de son âge… Mais il aimait aussi beaucoup lire. Il se documentait énormément sur à peu près tout ce qui existait ou même sur ce qui pourrait exister. Son père, ainsi que son oncle côté maternel, étaient des alchimistes hors pair. Ils pouvaient faire à très peu de choses près tout ce qu’il était possible d’attendre des meilleurs de ce domaine. L’enfant suivait l’exemple ahurissant de deux personnalités bien singulières, rêvant un jour d’égaler leur maîtrise et leur gloire. Des fois, il essayait À côté de cela, il faisait ces fameux « duels de bâton en bois ! » avec ses petits camarades. Ils avaient bien entendu recouvert les extrémités de ces armes fatales par une sorte de mousse à la fois souple et inoffensive. Faudrait pas se blesser accidentellement, parbleu !

Des fois… les gosses Asvars passaient, dans leurs fringues d’aristos. Ils se foutaient bien de la gueule des pauvres pouilleux qui traînaient au milieu de l’herbe et en haut des arbres, dans leurs haillons répugnants. Mais ces gosses… Ils étaient « intouchables. » D’habitude, le genre de gamin insolent qui casse les jouets des autres en se marrant se faire défoncer par un adulte X ou Y, par un autre gosse voulant jouer les héros ou alors la vie le rattrape et il abandonne son statut de caïd suprême. Dans cette société, personne ne pouvait les arrêter… Sauf leur parents, Asvars eux même. Le problème réside dans le fait qu’ils se fendaient bien trop la gueule à voir leurs gosses tyranniser le tout venant… Ils étaient malicieux, et jouissaient du malheur de ces « êtres inférieurs. » Encore une fois, précisons le, c’est une généralité. Je me rappelle du cas d’un de ces enfants Asvars. Il était adorable, et incroyablement gentil. Il essayait toujours d’aider les autres, mais aussi de stopper la frénésie destructrice de ses compères. Il se faisait marcher dessus, et on le rejetait comme s’il était purement et simplement un alien, un non désiré, une honte pour la race et la famille royale…

Tout le monde le sait, ces Asvars sont capables de contrôler les humains et d’en faire à peu près ce qu’ils veulent. Ces mômes avaient pas encore 15 ans, mais ils prenaient un malin plaisir à utiliser le corps d’autres gosses, pour les faire se frapper entre eux… C’est tellement plus cool que de se salir les mains… Allez y, vous, pour expliquer à la fois à vos parents et à ceux de votre pote que le rejeton d’un artisto se prend pour Dieu et s’amuse avec votre corps ! C’est compliqué, croyez moi… Et c’est à cause de ça que le cauchemar commença.

Ce jour là, encore une fois, un de ces abrutis descendit du luxe que lui offrait son château pour aller voir à quoi ressemblait la vie dans ces basses-cours géantes. D’habitude, Kryos arrivait à échapper à la sentence et se faisait discret… Mais ce jour là, il était allongé dans l’herbe, dans un endroit qu’il affectionnait particulièrement. Il y avait des cerisiers, par dizaines, par dizaines de dizaines, même… C’était le printemps, et les fleurs de ces arbres rendaient le paysage d’une beauté inégalable. Kryos passait beaucoup de son temps libre ici. La majeure partie du temps, il partageait son coin de paradis avec ses amis, qu’il affectionne particulièrement… Mais cette fois là, il était uniquement avec cette fille.

Cette fille, donc chaque trait de son visage, de son corps et de sa personnalité n’était qu’un énième reflet de la perfection. Kryos l’aimait, du plus profond de son cœur d’enfant. Il l’aimait sûrement autant qu’il aimait ses parents, et un tendre enfant comme lui aimait beaucoup ses géniteurs.

Quoi qu’il en soit, le problème arriva… Ce problème s’appelait Sirash. C’était un nom étrange, on le conçoit, mais c’est celui que certains de la famille royale ont trouvé judicieux de lui donner. Dans cet État, à peu près tous les Asvars, à de très rares exceptions près, faisaient partie de cette fameuse famille royale, ce qui la rendait assez large. Mais revenons à nos moutons. Ce type, Sirash, était pas là pour admirer les pétales de fleur de cerisier tomber des arbres au gré des vents. Une jolie fille, un garçon avec un air niais, ça lui suffisait.

Kryos était couché par terre, ses mains soutenant l’arrière de sa tête. Lentement, il penchait son visage sur la gauche, pour que ses yeux quittent le ciel et finalement atteignent ceux de cette gamine, qui était l’objet de toutes ses pensées les plus tendres. Elle lui échangea un sourire, et lui le lui rendu… Soudain, le môme décida de passer à l’action. On entendait un léger bruit, étouffé, derrière cet amas de tronc d’arbres… Un rire étouffé. Il se marrait à s’en briser les côtes, et essayait de ne pas se faire remarquer. Il utilisa une sorte de pouvoir de télékinésie qui lui était probablement particulier… Il ordonna. « Lève toi. » Ces mots résonnèrent dans la tête de Kryos. Il ne savait pas d’où ils venaient, de qui ils venaient… Au début, il se disait que ce n’était qu’une simple hallucination, peut être était-il fatigué ? Il n’a pas douté très longtemps… Il ne voulait pas se lever, il n’en avait pas envie… Mais il se leva quand même. D’une façon plutôt maladroite. Des spasmes l’envahirent, comme si son corps luttait contre lui-même. Debout, il est retombé par terre en se cassant royalement la gueule, mais finit par se relever pour obtenir une sorte d’équilibre assez bancal. Voyant bien que quelque chose n’allait définitivement pas, Alice voulut attirer l’attention de Kryos, se rassurer en apprenant que oui, il allait bien, mais elle se doutait que quelque chose clochait. Elle mit sa main sur son épaule, et appela :

" Ça va ?... "

Sa voix était inquiète, et en effet, elle n’attendait pas véritablement de réponse à sa question, puisqu’elle savait, à cet instant, que non, ça n’allait pas. Ça ne tournait pas rond, et il fallait faire quelque chose pour ça. Appelé par cette main, l’enfant qu’était encore Kryos se retourna et regarda en direction d’Alice. Une fois de plus, ses yeux croisèrent les siens… Mais cette fois, son regard était livide. Ses yeux d’un bleu si intense, ressortant de son visage avec une ardeur stupéfiante… Ils étaient maintenant ternes. Vides de volonté, d’envie, ou de quelconque émotion. Alice regarda aux alentours, et elle le vit, cet Asvar, qui se cachait derrière un arbre. Elle n’était pas dupe, et savait se qu’il se passait. Kryos se demandait ce qu’il se passait, ce qu’il pouvait faire, mais aussi ce qu’il devait faire... Il avait l’impression d’entendre, encore et encore, à une intensité toujours supérieure, les ricanement de ce gosse pourri gâté… Ce même gosse repartit dans son délire, et ordonna « frappe la ». Kryos ne bougea pas pendant environ 10 secondes, mais le gosse insistait. Finalement, il partit en déséquilibre arrière, et son poing semblait vouloir dire « coucou » au visage d’Alice. Il se rapprochait, de plus en plus vite, Alice eut un sursaut, et se protégea naïvement le visage.

Et puis soudain, stop. Il sembla comme figé dans l’espace et le temps, son corps ne bougeait plus. Son poing s’était arrêté à quelques millimètres du visage d’Alice, qui fit un pas en arrière, et regarda son ami. Ses sourcils étaient froncés, et son corps tout entier hurlait à l’agonie… Et enfin, un signe, ce signe qui ne trompait pas. Ses yeux revinrent, et l’éclat flamboyant de ses prunelles reprit le dessus. Il reprit une position normale, son nez saignait. Il se retourna, et vit la silhouette stupéfaite de ce type, derrière les troncs, malheureusement pour lui, trop fin pour se cacher totalement. Kryos avança lentement, tandis que l’autre type ne bougeait pas. Les mots raisonnaient dans sa tête « Stop ! STOP ! Arrête toi ! Tourne toi ! », mais ça ne marchait pas, ou ne provoquait qu’une réaction trop futile pour être décisive. Un spasme dans ses jambes ou dans son bras, ses épaules… Au mieux, cela provoquait un léger sursaut, mais rien à faire, il continuait d’avancer. Sirash s’adossa au tronc, et semblait chercher une échappatoire… mais notre protagoniste était déjà là, devant lui, à environ 1 mètre. Alice ne disait rien, elle regardait, sans savoir si elle pouvait intervenir et ce qu’elle pourrait faire. Sirash semblait au bord des larmes, comme si pour la première fois de sa vie, il allait devoir faire face aux conséquences de ses actes… Kryos brandit son poing, et commença ce geste, ce geste qui annonçait une violente dislocation de la mâchoire… Mais, il n’en fit rien. Il s’arrêta en plein vol, et donna une légère gifle, une gifle minuscule, qui ne fit même pas trembler la joue de Sirash. Kryos lui dit :

" Les gens ont un cœur. Un cœur avec lequel on ne doit pas jouer. "

Sirah resta bouche bée, les larmes lui montèrent aux yeux, et il tint sa joue, sans rien dire. Il partit en courant sans adresser un mot à Kryos, qui le regardait s’enfuir… Alice fit quelque pas pour le rejoindre, et lui demanda, stupéfaite :

" Mais… C’est quoi, ton truc ? Comment tu t’y es pris ? "

Le jeune adolescent la regarda et lui dit, avec un sourire chaleureux :

" J’en ai pas la moindre idée…. "

Le silence était plus bruyant que n’importe quel bruit… Et même si aucun mot ne s’échangeait, les deux pensaient à la même chose. Il y allait avoir des répercussions… Personne ne peut oser défier de la sorte un membre de la famille royale en espérant s’en tirer sans égratignure. Kryos était passé outre son contrôle, l’avait menacé, et l’avait blessé profondément dans son estime. Dans ce cas précis, les conséquences seraient particulièrement lourdes. Sachant qu’il risquait de ne plus le voir pendant longtemps, l’enfant leva les yeux au ciel, et le regarda, il le regarda et l’admira plus que jamais, lui, qui aimait tant ce ciel… Il ne pensait pas, il préférait ne pas penser. S’il avait pensé, les larmes lui seraient montées aux yeux, et il ne voulait pas pleurer, pas tant qu’il était avec elle. Il la regarda, et lança le rire enfantin caractéristique d’une personne de son âge. Il déclara courtement :

" Je dois m’en aller, en tout cas, c’était sympa. À le prochaine ! "

Après quoi il partit en courant, son visage face au sol. Alice ne voulait pas le retenir, et ne pouvait pas le retenir. Que lui aurait-elle dit, de toutes façons ? Probablement rien. Il partait, et ses courbes s’effaçaient peu à peu à l’horizon, jusqu’à ne devenir qu’une ombre derrière le soleil. Il était parti, et rentra chez lui. Enfermé dans sa chambre, il s’assit en position fœtale, sa respiration entrecoupée de sanglots incontrôlables. Il est mort de peur, et il ne sait absolument pas quelle forme prendront les conséquences, et quel niveau elles atteindront. Il pense à tout, et y compris au pire… Mais pleurer n’a jamais rien résolu. Il se relève, et frotte ses yeux à l’aide son avant bras. Son visage d’enfant, rougi par les larmes, devint plus stable. Il ferma les yeux. Quand il les rouvrit, il sortit de sa chambre et prit la direction de la sortie.

Sortie qu’il ne put pas rejoindre. Ses parents étaient devant la porte, et la garde royale devant ses parents. Cette garde était composée d’humains, bien entendu. Après tout, « un noble n’a pas le droit de travailler de ses mains ». Il restait là, sans bouger, et attendait d’entendre quelque chose, sans quoi il ne saurait pas comment réagir, ou encore quoi faire. A priori, ça parlait d’un certain incident. Le sang de l’enfant sa glaça… Son père, comme embarrassé, expliqua que si un quelconque incident avait pu les importuner, il en était profondément désolé, il s’inclina en avant, et se releva. Le garde lui jeta un regard glacial, vide de tout. Il déclara :

" En réalité, nous aurions aimé que cela ne soit jamais arrivé. "

Son père, sans réellement réfléchir, répondit :

" Mais ne vous inquiétez pas, ça n’arrivera plus ! "

Il n’eut pas tout à fait le temps de finir sa phrase, son corps était transpercé par une longue lame aussi glaciale que son porteur… Il tomba quelques mètres en arrière, aux côtés de Kryos.

" Nous aurions préféré que vous n’ayez jamais existé. "

La royauté le savait, elle savait que certains pouvaient résister au contrôle naturel des Asvars. Mais en arriver à de telles extrémités… Cela leur faisait si peur que ça ?... Après cela, il n’y eut aucun temps de réflexion. Sa mère tomba à son tour, laissant échapper un cri d’agonie, la mort la faucha instantanément. Son père, maintenant à genoux, tenait sa blessure dont le sang coulait abondamment, et regardait le corps sans vie de son épouse, au sol. Il regarda cet homme en armure, et pour la première fois depuis sa naissance, Kryos vit de la haine, une rage profonde et impitoyable, dans les yeux de son père. S’il avait eu la moindre arme à portée de main, il aurait sans doute utilisé son dernier souffle à des fin vengeresses, pense encore aujourd’hui l’enfant qui n’en est plus tout à fait un. Mais à cet instant précis, à ce moment… Il choisit de se tourner vers son fils. Il posa sa main sur sa tête, dont visage dégoulinait de larmes, dont les yeux cherchaient de l’aide. Il priait, intérieurement pour que tout ça ne soit qu’un affreux cauchemar… Mais ça n’en était pas un. Il prononça ses derniers mots.

" Tu sais, je vous ai toujours aimés, toi et ta mère, et je vous aimerai toujours. "

Il souriait, et prit son fils dans ses bras… Et lorsqu’un de ces autres hommes en armures tira à l’aide d’un de ces fusils « haute technologie », il quitta le monde avec ce même sourire. Il tomba en arrière, Kryos en fit de même. Assit sur ses mains, il avait le visage désespéré de celui à qui on avait tout pris… Il ne s’attendait plus à aucun miracle, et alors que l’homme au fusil avait fini de recharger après dix laborieuses secondes, il tira.

Retour de flamme. Ces appareils n’étaient absolument pas fiables, et l’arme explosa littéralement dans les mains de son propriétaire. Ils voulurent investir la maison pour « finir le travail ». La fenêtre de derrière se brisa, et une fiole au contenu singulier explosait en mille morceaux au sol. Cette fiole, lors de son éclat, libéra son contenu, qui créa un très épais écran de fumée. Une personne voilée entra de la fenêtre de derrière, prit Kryos avec lui, et s’enfuit à une vitesse fulgurante. L’enfant était inconscient. Le traumatisme, ou les effets de l’inhalation de cette fumée, on ne sait pas vraiment pourquoi… mais il était inconscient. Il se réveilla une demi journée plus tard, et son oncle était à son chevet.

Il était donc le fabuleux héros masqué. Kryos était encore tâché du sang de ses défunts créateurs. Il s’assied, et resta assis, le regard vide, pendant d’interminables minutes, qui devinrent avec le temps des jours. Il ne mangeait pas, ou presque, et ne sortait de son lit qu’à de très rares occasions. Après environ une semaine, son oncle rentra dans la pièce. Il chercha le regard de son neveu, son regard vide de volonté, et lui dit :

" Écoute… Les choses sont comme elles sont, mais rester ici sans rien faire va rien résoudre. T’as le choix. Tu restes là, à pleurer, ou tu te lèves, et on commence le combat à deux ? "

Le regard de l’enfant était toujours aussi vide, toujours aussi fade… Son oncle se leva, cachant une certaine déception derrière un visage à la neutralité anormale. Il lui tourna le dos et fis quelques pas en avant… .Kryos sortit de son lit, mit ses pieds au sol et déclara :

" J’ai la dalle. On mange quand ? "

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Les mois passèrent à une vitesse hallucinante. Kryos étudiait l’alchimie comme il ne l’avait jamais étudiée dans sa vie, auparavant. Il apprenait des choses surprenantes, et faisait des choses l’étant encore plus. Il passait son temps à bosser à gauche et à droite, à essayer à la fois de se perfectionner et d’être utile à son tuteur qui avait désormais une bouche de plus à nourrir. Quand il ne travaillait pas à son perfectionnement, il s’empressait d’aller se rendre utile, notamment au travail des champs qui n’attendaient plus que la main d’œuvre. Il passait des heures entières à secouer sa faux dans tous les sens, il semblait imaginer qu’il affrontait les plus sombres ténèbres ! Mais bon, chacun s’amuse comme il le peut.

La plupart du temps, c'est-à-dire tout le temps, sauf lorsqu’il était chez son Oncle, il cachait son visage et sa personne toute entière à l’aide d’une sorte de tenue ressemblant beaucoup à la classique robe d’un moine. Son visage caché par une capuche en recouvrant chaque partie, tant qu’on ne passait pas 15 minutes à le dévisager, il était très difficilement reconnaissable. Et puis… on le croyait mort, de toutes manières.

Kryos avait 16 ans, et il faisait ses petites mixtures de son côté. Il continuait d’étudier avec ardeur, après tout, il y avait toujours de nouvelles choses à apprendre… Il savait largement assez de choses pour être très considéré comme très compétent. Parfois, quand son Oncle était occupé ailleurs, il recevait des gens malades ou souffrants, et il les soignait de leurs maux à l’aide d’onguents, ou de choses dans le même registre… Et c’est avec ça qu’on lui donna la réputation de guérisseur. « Le type bizarre qui guérit les maladies », quoi. Son oncle entendait les rumeurs, et faisait semblant non seulement de ne rien savoir mais en plus de ne rien entendre. L’adolescent, lui, ne se souciait absolument pas de ça et n’avait encore jamais entendu les gens chuchoter à son sujet. Son tuteur avait peur pour lui, et lui confia une arme. Une arme qu’il avait toujours gardée cachée dans le grenier, à l’abri de tous. Il la lui confia, et lui conseilla de la prendre, si jamais il devait sortir. Kryos ne avait pas pourquoi il était sujet à de telles inquiétudes, mais il prit ça pour un gage de considération, et ne s’en soucia pas plus… Cette arme était une sorte de faux, mais elle possédait deux lames. À priori, elle serait très spéciale, mais le jeune homme ne savait pas en quoi. Ce jour là, il sortit, sans apporter l’arme qu’on lui avait donnée. Ce jour là, ce fut une sorte de claque qui résonna dans ses dents pendant un bon bout de temps. Il marchait, pour ainsi dire, parfaitement normalement… Des gosses, eux aussi parfaitement normaux, le virent. Ils eurent l’air effrayé… Mais ça ne dura pas. Ils prirent des pierres assez petites, assez petites pour que des enfants puissent les jeter sans trop de problème, quoi, et il se vit accueillit par une pluie de cailloux de forme diverse… Ils hurlaient des insultes, le traitant de sorcier, de démon… Sur le coup, il n’avait pas compris. Pas compris du tout, mais vraiment pas du tout, pourquoi on le traitait de la sorte. Il partit en vitesse et rentra chez lui. Quand il questionna son Oncle à ce sujet, ce dernier fut bien obligé de tout lui raconter. Alors comme ça, Kryos se trimballait la réput’ de l’ermite guérisseur qui avait pactisé avec le démon pour utiliser une magie pas nette du tout…

Un an passa, comme ça, à une vitesse folle. Le jeune homme était devenu bien plus âpre, bien plus sombre… Il évitait le contact, il évitait les gens, il évitait les mômes, il évitait à peu près tout et tout le monde. Quand il croisait quelqu’un, et qu’il était malencontreusement reconnu, il était traité de monstre… Son cœur était meurtri, et au fond de lui, il continuait de penser la même chose…

*Je vous ai aidés… Je voulais vous guérir. Et bordel, c’est de la science, ça a rien de magique !*

Ses sourcils étaient froncés. Il était sorti sur la requête de son oncle pour aller récolter quelques herbes sur un coin assez écarté, herbes rares mais coûteuses, qu’on ne peut se permettre d’acheter en quantité. Cette fois, il avait pris l’arme qu’on lui avait ce jour là donné avec inquiétude. L’atmosphère était lourde… Le ciel resplendissait toujours du même bleu, mais quelque chose dans l’air laissait suggérer qu’aujourd’hui était une mauvaise journée. Il était allé à cet endroit, cet endroit où ces herbes poussaient… Ça ressemblait tellement à cette forêt de cerisiers, c’était troublant. Il s’était assis, là, au milieu des arbres, et au bord de la falaise, laissant lui caresser son seul bout de visage à découvert… Il avait toujours aimé s’asseoir au bord de ces trous béants… Le fait d’être sur une île volante est plutôt exceptionnel, en même temps !

Il se reposait, seul… Pourchassé par les hommes et par la famille royale… Être seul, c’était pas vraiment une option. Mais il était tout de même satisfait. Il pouvait respirer l’air à pleins poumons, et il avait un minimum de libertés. Il enleva sa capuche, pour profiter pleinement de se reposer à un endroit de ce genre… Mais il entendit un bruit derrière lui. Il remit machinalement sa capuche, et il comprit que des gens arrivaient… Il se releva, et essaya d’aller se cacher… Mais à un endroit pareil, nulle part pour se dissimuler. Il semblait que c’était un groupe de gens… mais en tête de file, c’est une jeune femme qui sortait. Elle avait à peu près le même âge que Kryos, et son visage lui rappelait quelqu’un, mon dieu, mais elle lui rappelait vraiment quelqu’un…

C’était Alice. Alice était là, devant lui, en chair et en os. Il la regarda, derrière l’épaisse capuche qui recouvrait son visage. Elle se figea. Sans doute qu’elle ne le reconnaissait pas… Et si vous voyiez un homme dans une tenue suspecte à un endroit étrange avec une double faux presque plus grande que lui dans le dos, je vous jure que ça vous ferait plutôt bizarre.

Il dévoila son visage, il voulait lui montrer qu’il était bien là, que c’était bien lui, et qu’il était toujours vivant. Il sourit. Un vrai sourire sincère, le genre de sourire qu’il ne faisait plus souvent, maintenant que tout le monde le prenait pour le pire des monstres… Elle le regarda, et elle le reconnut. Elle ne dit rien, mais sa surprise était visible. Elle cacha la partie inférieure de son visage avec sa main… et n’eut pas réellement le temps de parler, puisque les autres du groupe l’avaient maintenant rejoint. Il y avait deux filles, et quatre mecs. Ils avaient tous entre 16 et 22 ans, à priori. La plupart d’entre eux, en voyant Kryos, eurent une réaction bizarre. Peut être certains d’entre eux étaient des camarades de jeu, à l’époque ? En tout cas, ils ne s’en souvenaient plus… Les deux filles furent mine d’être effrayées, et les garçons, eux, préférèrent se montrer agressifs… Ils pensèrent le reconnaître comme étant le « sorcier fou ». Ils lui parlèrent sur ce ton, ce ton prévisible de mâle dominant voulant imposer sa supériorité. Alice a essayé de s’interposer et d’expliquer brièvement la situation, mais en bons mâles dominants, ils ne daignèrent même pas lui accorder 10 secondes de temps pour s’expliquer. Ils la poussèrent, sans être trop brusques non plus (faut pas déconner, on va pas la pousser brusquement pour un oui ou pour un non !), en se moquant d’elle et en riant de sa bêtise. AHAHA, C’EST DRÔLE. L’un d’entre eux passa devant et poussa Kryos en le provoquant et lui demandant s’il avait un quelconque soucis… Il était bien tenté de lui dire qu’il en avait un bien gros devant lui, mais sa décence lui interdisait une telle bassesse. Il remit sa capuche et fixa le sol, il tenta de contourner cet homme pour rentrer sans plus atteindre… Mais lui, il n’était pas de cet avis, non non non. Il le poussa une nouvelle fois, en lui demandant « pourquoi tu fuis, comme ça ? ». Kryos continuait de fixer le sol silencieusement. L’autre le poussa une fois de plus, une fois de trop. Étant poussé un poil trop fort, sa capuche dévoila une nouvelle fois son visage, et mine de rien, ça agace beaucoup, ce genre de détails. Il fronça les sourcils, mais ses yeux restèrent neutres. Alice, quant à elle, tenta une nouvelle fois d’intervenir, en priant ce type d’arrêter ses sottises… Elle se fit rembarrer aussi sec avec une paire de vannes au passage. Le regard de Kryos s’assombrit, il n’aimait pas que l’on parle d’elle en ces termes… C’était une chose qui l’agaçait tout particulièrement. Elle s’avança et le saisit par le bras en lui demanda une nouvelle fois d’arrêter. Il secoua violemment son bras, et l’envoya valdinguer à environ deux mètres de là en gueulant :

" JE T’AI DIT DE ME FOUTRE LA PAIX ! "

Dans le regard de Kryos, on pouvait déceler cette même haine que celle qui emplissait le regard de son père, ce jour là. Il avait des envies particulièrement sombres et il le désir de sortir sa faux et trancher ce zouave en deux était de plus en plus forte… Mais il savait que c’était une envie irraisonnée à laquelle il fallait résister. À la place, il dit :

" Toi, plus jamais, tu refais ça. "

L’autre fit mine de pas avoir entendu, à l’aide d’un gracieux « HEEEEEEEEEEEIN ? », il poussa une nouvelle fois Kryos… Mais c’était définitivement trop, et il le frappa en plein milieu du visage, le faisant tomber à terre. Il n’avait probablement rien, pas même le nez cassé… Mais il était pas content… et ses trois sbires arrivèrent à l’assaut, en rouant Kryos de coups. Fatalement, ce qui devait arriver arriva, et un mouvement trop brusque de l’un d’entre eux le fit tomber en arrière. Sa main l’accrochait avec difficulté à une petite dalle située à l’extrême bord de l’île volante… Et sous ses pieds, des centaines de mètres de vide. Le « premier » d’entre eux arriva avec l’attention de lui écraser la main, mais Alice s’interposa une ultime fois. Le mec ne l’écouta pas, et Kryos lâcha… Il lâcha, et tomba. Alice le voyait chuter dans un vide qui semblait infini, elle tendait la main ayant un espoir… Mais il lui était impossible de le rattraper. Une larme coula de sa joue, et tomba dans le vide. Kryos hurla de toutes ses forces, quand il n’était pas encore à 5 mètres d’elles :

Alice, je t’aime !

Il y mit tout son cœur et tout son corps, il voulait être sûr qu’elle l’entende, et qu’elle comprenne. Il souriait, son sourire étincelait à la lumière de ce ciel bleu… Et elle, elle pleurait. Kryos se retourna et fit face au sol… Il se demandait s’il allait pouvoir survivre… Et il se rappela des mots de son Oncle.

NON, il n’allait pas rester là à rien faire, et NON, il n’allait pas rester spectateur de cette scène !

Il se concentra, encore, et encore, et encore, il essaya de se rendre le plus léger possible, il écarta bras et jambes pour ralentir sa chute, il s’approchait du sol, encore, et encore, et il voyait une forêt se dessiner au loin, la dessous. Il hurla de tous ses poumons, son corps bouillonnait et son cerveau semblait fondre avec toute cette tension… Son corps, il était léger ! Sa chute ralentissait, restait à voir si sa vitesse permettrait sa survie. Il tomba dans la forêt, se prit un nombre incalculable de branches et feuilles dans la gueule. Il dégaina sa faux, et l’enfonça brutalement dans un arbre, jusqu’à toucher le sol… Avec une douceur stupéfiante. Sa « robe » était déchirée comme aucun vêtement n’avait jamais été déchiré. Son corps était égratigné, écorché… Mais il était vivant. Et à cet instant, alors qu’il remettait la double faux sur son dos, pensait à une chose, une chose qui traversa son esprit.

Putain, ça va chier.